• Le Crime de l'orient Express (6/10)

    Synopsis : Le luxe et le calme d’un voyage en Orient-Express est soudainement bouleversé par un meurtre. Les 13 passagers sont tous suspects et le fameux détective Hercule Poirot se lance dans une course contre la montre pour identifier l’assassin avant qu’il ne frappe à nouveau.
    Oeuvre phare de la célèbre pourvoyeuse des potences, Le Crime de l'Orient-Express ne cesse de créer le débat grâce à son incroyable résolution et le dilemme qu'elle pose.

    Aventure charnière dans la vie de son héros, Hercule Poirot, elle n'est pas à prendre à la légère et cela, tout le monde n'a pas l'air d'y prendre garde. Si Sidney Lumet et Philip Martin ont su le mettre en valeur à l'aide d'un grand casting mais aussi d'une mise en scène soignée, léchée, d'autres comme l'ambitieux Carl Shenkel, qui a tenté une transposition moderne, ont livré des adaptations intéressantes mais souvent en-deçà des attentes du public pour une telle oeuvre.

    Alors qu'en est-il de la version de Kenneth Branagh, célèbre entre autres choses pour ses adaptations géniales de l'Oeuvre de Shakespeare ?

    Eh bien, il semble que l'acteur-réalisateur de génie soit moins inspiré par Christie que par Shakespeare ...

    Cela s'observe autant à travers son Hercule Poirot qu'à travers sa mise en scène de l'enquête jusqu'à ses personnages.

     

    Où donc l'ami Kenneth est-il allé chercher cette moustache peu entretenue, digne de celles des photographies des pionniers de l'aviation ? Et depuis quand l'ami Hercule arbore également une légère barbichette qui le fait plus ressembler au Cardinal de Richelieu qu'au détective belge bien connu ? Le look d'Hercule Poirot n'est pas improbable, il est loin de la représentation du héros que Charles Laughton, Peter Ustinov, David Suchet et même Alfred Molina ont su adopter. Disons qu'il est original et pourra sans doute plaire à qui ne connaît le célèbre limier que de nom .

     

    Psychologiquement, Hercule Poirot conserve ses manières mais de façon bien trop caricaturale et, dans le même temps, de façon trop localisées. Sa seule manie consistera donc à ... mesurer la taille de ses oeufs pour son petit déjeuner. C'est drôle, certes, mais on ne peut résumer Poirot à cela ...

    Hercule Poirot se change aussi en homme d'action, ne tenant pas en place, qui monte sur le toit du train pour observer les alentours et qui poursuit les coupables d'échafaudages en échafaudages. On le confondrait presque avec un autre détective ...

    Rappelons au passage que le détective qui apprend tout de ses interlocuteurs en pratiquant sur eux sa méthode de déduction des indices trahissant des habitudes ou des vécus ponctuels n'est pas Hercule Poirot, mais Sherlock Holmes. Le flegme britannique et cette façon de déduire peut induire en erreur: les deux personnages se confondent souvent dans cette version du Crime de l'Orient-Express ...

     

    Autre innovation qui vaut ce qu'elle vaut: Catherine. La mystérieuse Catherine. Le grand amour perdu d'Hercule Poirot, dont il n'a jamais été fait mention dans les livres. (A moins qu'il soit question d'un personnage du Train bleu, le motif du train faisant lien, mais cela semblerait pour le moins absurde.)

    L'idée est belle, sans doute, mais s'applique-t-elle bien à Hercule Poirot, le bon vivant, le narcissique, marié avec son ego ?

    En fait, cela entre en contradiction avec l'évolution du personnage que propose et le livre et surtout le film. Poirot, marqué par cette expérience, ne sera plus axé sur la seule logique et sur ses petites cellules grises mais prendra un peu plus en compte ses sentiments. Mais s'il a déjà aimé et qu'il en souffre ... ne prend-il pas déjà en compte ses sentiments?

    Les différentes confrontations de Poirot au portrait de Catherine sont, en sus, autant de moments où le détective aurait pu en appeler à ses sempiternelles cellules grises au lieu d'y faire une furtive allusion en fin de film. Il y a là un paradoxe: le détective peu raisonneur et amoureux laisse ses raisonnements pour se consacrer à ses sentiments ... Donc, il change sans changer ?

    Cette mystérieuse relation amoureuse de Poirot le fait confondre avec Jules Maigret ou l'Inspecteur Columbo.

     

    Enfin, la fin du film annonce une nouvelle version de Mort sur le Nil.

    Suite inquiétante, s'il en est, car Poirot se rend sur le bateau après que le meurtre ait eu lieu tandis que dans le roman, il est déjà sur le bateau au moment où le crime a lieu. Il a pu ainsi surprendre des conversations, connaître les différents passagers. Sans ces clefs qui préparent le crime, sans les différentes tentatives d'assassinats qui le précèdent, comment l'histoire se mettra-t-elle en place et comment Poirot trouvera-t-il la clef de l'énigme ?

    Poireautez et vous saurez ? Je pense qu'on le sait déjà un peu ...

     

    Visuellement, le film est très beau: de belles couleurs, de beaux décors, de beaux effets et un intérêt prêté au déclenchement de l'avalanche qui va bloquer le train. 

    Pour les spectateurs hyper-actifs, le Crime de l'Orient-Express tombe dans le même travers que Les Derniers Jedi, sorti au même moment avec une vedette commune. La vitesse, on ne s'appesantit pas un peu sur ce que l'on veut faire ressentir et surtout, on est sans arrêt dans le mouvement et dans l'extériorisation - un comble pour un huis-clos mais une tentative intéressante.

     

    Le plus gênant, ce n'est pas tout cela: Branagh s'empare du roman et, cherchant à le mettre au goût du jour tout en l'inscrivant dans son temps, innove. C'est lorsque le propos du film s'éloigne du sujet de départ pour traiter d'un thème totalement absent du roman et inutile au bon fonctionnement de l'adaptation. Kenneth Branagh semble vouloir prouver à tous prix sa tolérance, car il fusionne le rôle du médecin du train et du Colonel Arbuthnot pour le donner à un acteur noir. Et là, c'est le drame ! Il semble qu'on ne puisse pas donner un rôle à un acteur noir sans que la moitié des personnages se changent en racistes haineux à dénoncer vertement. Même Rachett, le plus ignoble de tous se défend de tout racisme devant Poirot avant de "changer de wagon" (spoilons, mais avec classe et élégance, s'il vous plaît !).

    La question du racisme, des races, de l'intolérance s'invite avec son cortège de réflexions politiquement correct dans l'adaptation d'un roman vierge de toute réflexion à ce sujet ... Il faut parler du racisme, le dénoncer. Mais au bon endroit, au bon moment, de manière nuancée (par exemple, ne pas huer Griezmann quand on applaudit Robert Downey Jr dans Tonnerre sous les tropiques ou Louis De Funès dans Rabbi Jacob). Dans Le Crime de l'Orient-Express, cette sensibilisation n'a pas lieu d'être et, non pertinente, peut devenir stigmatisante pour l'interprète noir qui apporte malgré lui la question dans le scénario. Que les lobbies et leurs quota cessent leurs imprécations imbéciles, cessent de vouloir s'imposer en tous lieux, sans quoi ils nuiront bientôt plus aux "minorités" que les véritables racistes. 

     

    Pour finir, prenons le commencement. Logique.

    Kenneth Branagh a choisi de donner un prologue à l'enquête. C'est une idée intéressante pour présenter le personnage, ses méthodes de travail. On est loin du Hercule Poirot d'Alfred Molina qui court les bordels d'Istambul !

    Pour autant, ce prologue n'a pas l'intérêt de celui de Philp Martin qui voyait Poirot résoudre une affaire dans l'armée et contraindre un pauvre jeune soldat au suicide en le dénonçant, alors qu'il aurait pu se taire. Dans ce prologue, le détective belge se trouve face à une situation similaire à celle qu'il va vivre et prépare ingénieusement son dilemme final. Le prologue du film de Kenneth Branagh se borne à une résolution d'intrigue bouffonne, qui ne s'en cache pas d'ailleurs, mettant en scène, à Jérusalem un prêtre, un rabbin et un imam. Oui, on dirait le début d'une blague Carambar. Cela dit, Poirot et crédibilité mis à part, j'aime ce passage pris seul, pour lui-même. Car il est une exhortationn du génial réalisateur à ne pas tomber dans le poncif athée actuel consistant à voir l'étiologie des guerres dans le fait religieux. N'oubliez pas, susure-t-il par métalepse au spectateur que certains tirent les ficelles et se cachent derrière pour faire leur beurre.

     

    Raison pour laquelle le peuple accuse les religieux, les religieux s'entre-accusent et le coupable s'avère être le chef de la police qui attendait de Poirot qu'il désigne l'un des hommes de foi.

    Ce sont les politiques qui, par soif de pouvoir, dans un soucis d'acquisition des richesses et ressources mondiales, jouent avec les opiums des peuples pour les faire s'entre-tuer.

     

     Reste le final où Poirot met ses coupables à l'épreuve, exigeant d'eux qu'ils le tuent.

    Si on a effectivement du mal à imaginer le véritable Poirot agir de la sorte, l'idée reste très intéressante. Mais inexploitée réellement pour n'être qu'un bouleversement de situation, un élément de suspens en pétard mouillé. 

     

    Comme la plupart du temps dans les adaptations d'un Hercule Poirot au cinéma, c'est au casting cinq étoiles que revient la lourde tâche de porter le film. Le casting vaut le détour. Mais est-il toujours satisfaisant ?

     

    Les deux points forts de ce film sont des vedettes  qui ont déçu cette année dans leurs sagas respectives:

    Johnny Depp, alias le Jack Sparrow fringuant des quatre premiers Pirates des Caraïbes et débile - dans tous les sens du terme - du dernier en date, La Vengeance de Salazar, campe avec brio le succulent Ratchett. Un méchant qui pourtant sera victime. S'il n'a pas le caractère mi-haïssable mi-digne de compassion de Richard Vidmark, s'il n'a pas le Mal inscrit jusque sur son visage comme l'impeccable Toby Jones, Johnny Depp renoue avec son style Dillinger et offre à Ratchett une élégance, une classe inattendue. Mais sa bonne influence sur le film s'achève avec la mort de son personnage et les rares et arbitraires flash-backs, censés rappeler ceux, bien meilleurs, de Sidney Lumet, ne suffisent pas à le faire suffisamment intervenir.

    Daisy Ridley alias Rey, la nouvelle héroïne toute-puissante de Star Wars, déjà icône de la post-logie, qui, comme son personnage dans Les Derniers Jedi, peine à trouver sa place dans la mythologie de Georges Lucas. Elle permet au film de Branagh de mettre en avant le personnage de Mary Debenham, bien en retrait dans les autres versions, souvent dans l'ombre du Colonel. Après la timide et délicieusement agaçante Vanessa Redgrave qui jouit des aboiements protecteurs de Sean Connery, Daisy Ridley apparaît comme une femme indépendante, capable de se défendre seule et de tenir tête à Hercule Poirot. Ce qui rend d'autant plus ridicule la protection que veut lui apporter, arme au poing s'il le faut, le Docteur-Colonel.

     

    Plusieurs autres rôles sont bien distribués mais sous-exploités, laissés à l'état d'esquisses de ce qui aurait pu être bien meilleur.

    Ainsi la belle et charismatique Michelle Pfeiffer - alias Catwoman dans Batman: le défi et Madame de Tourvel dans Les Liaisons dangereuses - qui semble cumuler cette année les rôles très intéressants laissés à l'état d'ébauches, comme c'est le cas dans Mother ! de Darren Aronofsky. Il faut dire que l'actrice forte tête et sensuelle doit reprendre le flambeau de rien de moins que Lauren Bacall, bien mieux exploitée qu'elle dans la version de Sidney Lumet. Néanmoins, Michelle Pfeiffer livre une interprétation saisissante de Mrs Hubbard l'instigatrice du meurtre, cerveau de la bande.

     

    Hélas, reléguée à deux scènes vraiment fortes.

     

    En conclusion, un film en soi sympathique, bien que victime des fâcheuses tendances actuelles, avec un bon casting, de beaux visuels et parfois, de bonnes idées. Mais une adaptation assez discutable du roman d'Agatha Christie qui souffre d'une mauvaise utilisation de ses idées et de son casting au profit d'une montée au créneau contre le racisme, thème sans rapport avec le roman en lui même .

     


  • Commentaires

    1
    Mercredi 21 Mars 2018 à 15:21

    Bonjour mon fils,

    Tu as eu une très belle idée d'ouvrir un blog sur le cinéma, la lecture  etc... afin que l'on puisse donner nos avis. Cela me change de voir toujours des créations.

    Comme tu le sais je ne suis pas très critique mais j'ai vu beaucoup de films d'Agatha Christie et lu quelques uns bien entendu à la télé surtout avec l'acteur David Suchet.

    L'orient express je l'ai vu il y a des années mais le nom de l'acteur je ne me souviens plus.

    Un très bel article que tu as mis avec tes ressentis.

    Je te souhaite une bonne continuation et des lecteurs, visites, commentaires...

    Ta Maman

    2
    Lundi 26 Mars 2018 à 13:11

    Bonjour

    Un très beau classique du cinéma, beau partage.

    Amitiés Jasmine.

    3
    Lundi 26 Mars 2018 à 13:23

    bonjour, waouhhhh un bien joli blog que ta maman t'as fait avec un sublime bandeau, un grand bravo cool....très bel article sur le cinéma, j'aime bien Agatha Christie et l'orient express , je lai vu il y a des années aussi....je te souhaite bonne chance à ton blog....passe une bonne journée...biz, annie 

     

    4
    Mardi 27 Mars 2018 à 16:24

    votre maman vous a fait un magnifique blog
    je suis fan d’Agatha Christie et j'ai toute la collection d'Hercule Poirot
    passez une bonne soirée
    amicalement
    Janine

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